Le dossier ''Notre environnement : une menace pour notre santé ?'' est paru dans le magazine Science et Santé de l'Inserm (mai-juin 2012). Respire le périph'! y a
modestement contribué par l'intermédiaire de Gaëlle Lahoreau, Journaliste-rédactrice scientifique. Il est consultable et téléchargeable ici :
http://www.inserm.fr/actualites/rubriques/magazine-science-sante
Un premier extrait ci-dessous.
Dans nos rues, dans nos maisons, jusque dans nos assiettes… Les nuisances et les polluants sont partout. À l’extérieur comme à l’intérieur de nos maisons.
Chaque jour, à chaque moment de notre vie, nous exposons notre organisme à des centaines de molécules et particules différentes, qui menacent potentiellement notre santé.
Elle est invisible, silencieuse, souvent inodore, et tue chaque année des milliers d’Européens. Elle nous enveloppe dans les rues, s’attaque sans crier gare à nos poumons, met en péril la santé
de nos enfants. La pollution atmosphérique est l’ennemi insidieux du citadin, comme l’a encore démontré l’étude Aphekom, coordonnée par l’Institut national de veille sanitaire (InVS), dont les
résultats ont été rendus publics il y a un peu plus d’un an. Une soixantaine de scientifiques se sont penchés spécifiquement sur les impacts sanitaires de la pollution de l’air de 25 grandes
villes européennes. Conclusions : près de 19 000 décès prématurés, dont 15 000 liés à des maladies cardiovasculaires, seraient imputables chaque année au dépassement de la valeur guide de l’OMS
pour les particules fines (taux moyen annuel de 10 μg/m3).
« Ce ne sont pas seulement les personnes déjà très fragiles qui décèdent du fait de la pollution, précise Rémy Slama, de l’Institut Albert-Bonniot à La Tronche près de Grenoble. Les impacts de la
pollution atmosphériques s’observent à court et long terme. » À Lille, Paris, Lyon, Strasbourg, le respect de cette valeur pourrait augmenter d’environ 6 mois l’espérance de vie à 30 ans de ses
habitants. Les Marseillais pourraient eux gagner 7,5 mois de vie supplémentaires. Selon le projet EboDE (Environmental Burden of Disease in Europe) coordonné par l’OMS, cette pollution constitue
même le premier fardeau environnemental en Europe : les particules fines en suspension
dans l’air sont responsables de deux tiers des années de « bonne vie » perdues (mortalité prématurée et/ou incapacité à travailler) parmi les 9 risques environnementaux considérés (bruit,
tabagisme passif, radon...). D’ailleurs, d’ici à 2013, la Commission européenne prévoit de réviser la réglementation actuelle à leur sujet ; leur taux est 2,5 fois supérieur à celui de l’OMS.
Un air irrespirable
« Le fait d’habiter à proximité du trafic routier serait aussi responsable d’environ 15 % des asthmes de l’enfant », ajoute Sylvia Médina qui a coordonné l’étude Aphekom à l’InVS.
« À Paris, il est totalement absurde d’avoir des crèches et des écoles près du périphérique. En Californie, construire une école à proximité des routes à fort trafic est interdit, rappelle
Isabella Annesi-Maesano, chercheuse à la faculté de médecine Pierre-et-Marie-Curie.
Mais ce qui est préoccupant, c’est que même les enfants qui habitent dans des zones avec des concentrations en particules fines proches des valeurs de “rêve” de l’OMS ont
davantage de maladies allergiques et respiratoires. » Exposées pendant de longues années à la pollution atmosphérique, les personnes âgées voient aussi leur santé respiratoire se
dégrader, avec plus de bronchites notamment.
« Être exposé de façon répétée et continuelle, à des doses même faibles de pollution, a des conséquences », insiste la chercheuse. D’autres effets s’observent par ailleurs. « Il
existe un lien entre les indicateurs de trafic et les leucémies chez les enfants », indique Jacqueline Clavel, du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations à Villejuif. Les
polluants atmosphériques pourraient aussi ralentir la croissance du foetus et diminuer leur poids à la naissance.
Pour le montrer, l’équipe de Rémy Slama s’est fondée sur la cohorte mère-enfant Eden, qui suit 1 800 enfants de Nancy et de Poitiers, et ce, depuis leur vie intra-utérine. Elle a aussi révélé un
impact sur les cellules immunitaires jouant un rôle dans la régulation des réactions allergiques : plus les femmes étaient exposées à la pollution de l’air urbain pendant leur grossesse, plus le
nombre de ces cellules immunitaires était faible chez le nouveau-né. Avec, à la clé, des asthmes et des allergies plus probables. « Contrairement à ce que l’on pense, la pollution de l’air
ambiant urbain ne diminue pas. Les niveaux de particules restent stationnaires et les niveaux d’ozone augmentent », souligne Isabelle Annesi-Maesano. Et pourtant, il y a plus d’un demi-siècle que
l’on en a pris conscience. Entre le 5 et 9 décembre 1952, un smog « à couper au couteau » recouvre Londres. Pollué par le chauffage au charbon, la circulation automobile et les industries, l’air
fait plus de 12 000 morts dans les jours et les mois qui suivent. « Cet épisode fut l’une des premières preuves que la pollution atmosphérique pouvait influencer notre santé », souligne Rémy
Slama. Une pollution qui reste toujours problématique et d’actualité.
(...)
☛☛ R émy Slama : unité 823 Inserm/Université Joseph-Fourier
☛☛ S ylvia Médina : médecin, santé publique,Institut de veille sanitaire
☛☛ Isabella Annesi-Maesano : UMR-S 707 Inserm/Université Pierre-et-Marie-Curie,
Épidémiologie, systèmes d’information, modélisation, équipe « Épidémiologie des maladies allergiques et respiratoires »
☛☛ Jacqueline Clavel : unité 1018 Inserm/Université Paris-Sud 11, équipe
« Épidémiologie environnementale des cancers »